Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vous écrivez ? Ce n'est pas grave.

Je ne sais pas pourquoi, depuis quelques jours j'avais en tête une note qui aurait ce titre. Je n'avais pas le contenu, et puis hier je l'ai trouvé.

C'était à Paris, devant un parterre choisi (pas tant que ça, j'y étais) on remettait un prix plutôt sérieux à deux auteurs qui donnent envie de les lire.
Il y avait un prix, alors il y eut des discours. Les lauréats ont remercié le jury, conté une ou deux anecdotes personnelles, et bien sûr, ils ont parlé Littérature. Avec un grand L. Le premier a disserté sur l'écriture et la vie ; le second s'est demandé avec Maurice Blanchot si la littérature ne commençait pas précisément avec la question "Qu'est-ce que la littérature ?" J'avais une furieuse envie de crier Non!, je suis un garçon poli alors je n'ai rien dit. Et comme il se doit, les applaudissements furent nourris.

Pardon ? Non, non, je ne donne pas le nom des deux lauréats. Je ne leur veux aucun mal, au contraire. Leurs discours étaient plutôt brillants et sincères, en réalité, et je n'ai pas encore lu leurs livres, et puis, ce n'est pas le propos. Parce que je suis à peu près certain qu'au même moment, dans un café ou dans une médiathèque, on remettait un autre prix et que le lauréat dissertait lui (elle) aussi sur la Littérature.

ecrire.jpgCiter le mot en L est une sorte de rituel dans les manifestations littéraires. On prononce son nom avec le plus grand sérieux, on cite les Grands Anciens, on pontifie, on sacralise, on se déclare tout petit face à L mais c'est pour mieux se grandir en l'invoquant.
De mon côté, p
our être franc, je me suis toujours foutu de savoir ce qu'était la littérature. Tu me diras peut-être, toi là-bas, que si je réponds non, c'est que je ne suis pas un véritable écrivain. Sans doute. Mais écris-tu vraiment de meilleurs livres, toi qui leur mets un L majuscule ?
N'empêche, je suis toujours étonné d'entendre de jeunes auteurs se gargariser sur L dès qu'ils entrent en mode interview, en mode recueillement, enfilant les poncifs comme on enfile son costume de communiant : l'écriture est une douleur ; la vie commence par la littérature (variante Mallarmé : tout finit en littérature) ; un texte ne vaut rien s'il n'est pas nécessaire à son auteur (très important, la Nécessité) ; j'écris parce que je ne sais rien faire d'autre (existe-t-il infirmité aussi glorieuse?). Etc.

Vous noterez aussi que comme dans les évangiles, la foi dans la Littérature s'accompagne du Doute. Le grand chic, dans l'interview Littéraire, c'est de terminer son propos par une question. On peut se demander avec Julien Gracq si... Accordons ici une mention spéciale aux critiques / animateurs de débats qui aiment tellement terminer la présentation d'un roman par cette interrogation glorieuse : "N'est-ce pas précisément cela, au fond, la littérature ?"
(Ami lecteur, amie lectrice, si un jour tu entends ou lis cette phrase et pense à moi, alors je n'aurai pas écrit cette note pour rien. Je t'aime.)

Pour être honnête, je dois préciser que les questions des journalistes n'aident pas beaucoup. Je me souviens d'être tombé sur un recueil d'interviews d'écrivains par Brigitte Kernel. On n'y apprenait pas grand'chose, mais derrière chaque question en transparaissait le vrai fantasme de la journaliste - Oh oui, s'il vous plaît dites-moi que vous êtes un écrivain, un vrai !
... Et les interviewés jouent volontiers le jeu. Certains par politesse. D'autres, j'imagine, par crainte de ne pas être pris au sérieux s'ils ne jouent pas à l'écrivain. D'autres encore parce qu'ils ont fini par y croire vraiment, à cette supériorité mystique de la littérature-avec-un-grand-L.

Bref ! J'étais parti pour écrire complètement autre chose, et puis voilà, on se laisse entraîner. N'est-ce pas précisément cela, au fond, la magie de la littérature? 

En tout cas, cher internaute anonyme, je voulais te dire ceci : écrire des livres, c'est beaucoup de travail, de la technique, aussi, des trous d'inspiration et des moments de désespoir, ça peut être très pénible, d'écrire, mais ça n'est pas grave.
J'espère que si tu écris, tu y prends du plaisir. Que tu sais qu'on peut toucher profond en restant léger. Je te souhaite d'être publié, bien sûr, et de répondre à des interviews. J'espère qu'alors tu ne te prendras pas trop au sérieux. Et que si on te pose des questions vaines sur la littérature tu sauras mettre un peu de concret et de sincère dans tes réponses.
Tiens, en attendant que ce jour arrive, tu peux aller regarder là, tu trouveras un bel exemple.

Parce que tandis qu'hier soir on brodait sur le thème qu'est-ce que la littérature?, on était quelques-uns au fond de la salle à avoir envie de crier Rendez-nous Jaenada !!

Allez, à bientôt.

Commentaires

  • Et il a été prononcé dans un des discours cette phrase : "Il suffit d'un homme pour changer l'histoire d'un lieu."
    Par ce billet, tu deviens l'homme qui. A moins que ce ne soit Jaenada.
    (merci pour le lien)

  • Ha ha ! Merci (et de rien)
    Ils étaient bien, ces discours, en vrai. C'est simplement que l'eucharistie était un peu longue...

  • c'est un peu comme demander ce qu'est l'Art non? on s'en fout un peu non? enfin moi...

  • Ah oui, complètement...
    (mais la question continue de passionner)

Les commentaires sont fermés.